J’AIME À SHERBROOKE
La proximité de tout!
Témoignage recueilli par Humains de Sherbrooke
Je suis nigérienne d’origine. Ça fait onze ans que je suis ici, Sherbrookoise d’adoption. Ma deuxième naissance s’est faite à Sherbrooke. Je suis arrivée ici pour rejoindre mon mari, qui lui est Montréalais d’origine. Sans l’appeler un africaniste, on peut dire que c’est quelqu’un qui aime beaucoup la culture africaine, qui a eu des amis africains. C’est drôle, il voulait aller en Afrique parce qu’il aimait beaucoup le roi lion! Aussi, avec ce qu’il voyait à la télévision, les enfants qui ont le gros ventre, qui sont tous maigres, qui ont des maladies, il se disait que ça ne pouvait pas être ça l’Afrique. Il voulait donc aller en Afrique voir par lui-même. Des amis à lui, que je connaissais aussi, lui ont suggéré d’aller en Afrique noire, en Afrique profonde, pour être dépaysé. Ils lui ont aussi suggéré de ne pas y aller seul, pour pouvoir apprécier son expérience. Ils nous ont donc mis en contact pour que je puisse le guider dans mon coin de pays. Quand ils m’en ont parlé, je pensais que c’était un Français et ça ne m’intéressait pas. Chez nous, en tant qu’ancienne colonie française, on en a soupé des Français! Quand ils m’ont dit que c’était un Canadien, j’ai dit « Parfait! Ils sont gentils les Canadiens! ». On a donc échangé avant qu’il arrive chez nous. Je lui ai fait découvrir mon pays, des attraits touristiques que je n’avais moi-même jamais visités. Nous avons fait de la pirogue sur le fleuve Niger, nous sommes allés voir les hippopotames, nous sommes montés à dos de dromadaire. Chez nous, nous avons aussi des passages à girafes, pour indiquer de faire attention aux girafes. À un moment donné, on était en voiture, on a dû arrêter car il y avait un troupeau de girafes qui a passé! C’était exceptionnel. Je n’en avais moi-même jamais vu!
Quand mon chum est rentré au Canada, il m’a invité à venir visiter son coin de pays. Mais n’entre pas au Canada qui veut, ça n’a pas fonctionné. J’étais encore aux études, je ne travaillais pas. Il n’y a rien qui prouvait que si je venais, je repartirais ensuite. On a fait la demande deux fois mais en vain. Entre-temps, il y a quand même des liens amoureux qui se sont développés entre nous. On se parlait au téléphone, on s’écrivait souvent. Un jour, il a demandé ma main au téléphone! Rien de bien glam! Je l’ai envoyé vers mes parents, car chez nous ça ne se fait pas comme ça. Ils ont essayé de se comprendre, avec l’accent et tout! Finalement, mes parents ont fait un conseil de famille, pour vérifier si c’était un bon mariage, si ça valait la peine de me laisser traverser l’océan et aller vivre au Canada, toute seule, à 26 ans. Il y a eu consensus. Mon mari est donc revenu en 2007, il a dû se faire baptiser, parce qu’en tant que musulmane, je ne peux pas épouser un non-musulman. Il fallait donc le convertir avant le mariage. C’était la condition sine qua non. On a donc fait la cérémonie de baptême, on a acheté un mouton, on l’a égorgé en récitant quelques versets du Coran. Il regardait le pauvre mouton se faire égorger et il m’a dit « c’est pour toi que je fais ça! »! Il a aussi changé de nom, symboliquement. Il a pris le nom musulman de Hassan, après avoir visité la mosquée Hassan II au Maroc. On a pu se marier traditionnellement devant la famille. On a ensuite fait un mariage civil pour avoir les papiers et prouver que ce n’était pas un mariage arrangé. Il est reparti ensuite. Je suis restée chez moi, le temps de finir ma maîtrise en sociologie. Je suis arrivée au Québec 9 mois après. C’est pour ça que c’est ma deuxième naissance!
Évidemment, chez nous, on est tous des noirs. Quand je suis arrivée ici, mon frère m’a demandé comment c’était. Je lui ai dit « Ils sont partout! ». (rires) Heureusement, mon intégration s’est très bien passée. C’était spécial, car le Canada n’était pas dans ma mire. Je voulais aller en Europe, en France ou en Belgique. C’est le syndrome de Stockholm, où tu veux retourner dans le pays qui t’a colonisé! Finalement, je suis très heureuse d’être ici. Je n’ai pas vécu de gros choc. J’étais déjà allée en France, donc j’avais déjà vu ce qu’était l’Occident. J’étais dans l’émerveillement. Chez nous, les routes, ce sont des petites ruelles, c’est le free for all. Les feux rouges sont en décrépitude car personne ne les utilise, tout le monde fait comme il veut. Ici, tout le monde est respectueux des lumières, des passages à piétons, les routes sont larges. Ce qui m’a charmée, c’est aussi le sentiment de liberté. Tu t’habilles comme tu veux, il n’y a personne qui va te pointer du doigt. Chez nous, c’est différent. Un jour, quand j’étais enfant, des amies sont venues chez moi en vacances. C’était des filles de la capitale qui s’habillaient comme des filles de la capitale. On s’est fait poursuivre par une horde de gamins qui nous jetaient des pierres et nous traitaient de mécréantes parce qu’on était habillées trop court, selon eux. Chez moi, en tant que femme mariée, jamais je n’aurais pu m’habiller comme je le suis. J’aurais eu le voile pour montrer que je suis mariée, que j’appartiens à quelqu’un. Évidemment, quand je rentre chez moi, je le porte, pas pour moi, mais pour mes parents. Je ne veux pas qu’on dise « c’est la fille d’Un-tel, elle est mariée et elle se comporte comme ça.
Je suis retournée au Niger, toute seule, après sept ans d’absence. C’était formidable de rentrer, de revoir la famille. Ma sœur avait trois enfants quand j’étais partie et elle en avait alors sept! Mes parents étaient contents, mais tu sais chez nous, ce n’est pas comme ici. Il n’y a pas de démonstration d’amour. Mes parents ne m’ont jamais dit qu’ils m’aiment et moi non plus, je ne leur ai jamais dit, à part quand j’ai quitté pour venir vivre ici. Je leur avais alors donné un câlin et ils avaient fléchi, un peu! Même mon frère n’en revenait pas! Mon séjour là-bas m’a permis de redevenir la fille, la sœur de quelqu’un. On a discuté de la famille, des naissances, des décès. J’ai savouré chaque instant. On compte repartir cette année, cette fois en famille. Mes enfants sont rendus assez grands pour venir. Mes parents ne les ont jamais rencontrés. Dans la tête de mes enfants, je n’ai pas de parents, je suis descendue du ciel! J’appréhende un peu pour la question de la santé. Avant de partir, la dernière fois, j’étais allée à la clinique du voyageur et l’infirmière m’avait dit de faire attention aux aliments, car ça prend six mois pour que le corps s’habitue. Comme ça fait longtemps que je ne vis plus là, il se pouvait que je réagisse à certains aliments. Aussi, elle m’avait dit de ne boire que de l’eau embouteillée, ce que j’ai fait. Ça faisait bizarre de ne pas pouvoir manger ce que je voulais ou boire l’eau de mon pays, l’eau que je buvais quand j’étais petite. Je me sentais comme une Occidentale qui arrivait dans un pays en développement. Un jour, j’ai mangé des criquets, qui sont un aliment fétiche au Niger. En mangeant, ça a commencé à me démanger. J’ai continué à en manger car c’était si bon! Je ne voulais pas que ma mère me voit car elle m’aurait empêchée d’en manger et je voulais continuer à les déguster, comme ça faisait longtemps que je n’en avais pas eus. Tout à coup, j’étais boursouflée partout. J’ai fait une allergie aux criquets! J’ai dû mettre du talc partout sur mon corps. C’était trop bizarre! Quand je vais y retourner, je vais amener des trucs pour les allergies, car je compte bien en manger encore!
J’AIME À SHERBROOKE
La proximité de tout!
J'AIME MOINS À SHERBROOKE
La vie culturelle (et pas très diversifiée) pas très présente.
AILLEURS QU’À SHERBROOKE IL ME MANQUERAIT
La proximité de la nature, des gens, les stationnements faciles.
SI J’ÉTAIS MAIRE DE SHERBROOKE
Je ferai en sorte que Sherbrooke soit reconnue pour sa scène culturelle et diversifiée.
JE SUIS À SHERBROOKE
Parce que je suis venue rejoindre mon amoureux.